Entry 8
D’un geste devenu presque machinale, je laissai mes doigts parcourir l’interface de ma console. Deux effleurements plus tard je me connectais à la base de données des planètes répertoriées. Un peu plus tôt dans la journée, j’avais envoyé mon équipe fouiller le secteur ouest et, maintenant seule dans mon laboratoire, je m’autorisai à partir à la découverte des mondes inconnus dont je ne connaissais que le nom.
Oh this is so great. Les différents rapports de Sheppard m’avaient fasciné et je ressentais une pointe de jalousie grandissante alors que je parcourrais les descriptions fantasques qui me tombaient sous la main.
Moi aussi, je veux passer la Stargate. Je soupirai une énième. Depuis notre arrivée il y avait plusieurs mois de cela déjà, je n’avais encore jamais été autorisée à passer la porte. L’impatience me rongeait. Mon oreillette grésilla et j’y portai une main indifférente.
« Stone. »« Ici Saitou. Je viens au rapport Professeur… »Ah, mon collaborateur Japonais préféré. J’écoutais, distraitement, alors qu’il me décrivait leurs récentes découvertes, l’esprit accaparé par les mondes de mon imaginaire.
If only …. « … et puis Thompson est plutôt d’avis que – »Je me réveillai au nom de Thompson.
« Thompson ? Qu’est-ce qu’elle dit encore Thompson, Saitou-san ? »« Et bien … elle pense que le secteur Ouest est une perte de temps Pr. Nous l’avons déjà parcouru plusieurs fois et … »Je soupirai. Je l’aimais bien Thompson mais son caractère de
Miss-Know-it-All était parfois dur à supporter. Intérieurement je plaignais Saitou et Amal qui devaient passer la journée avec elle. Extérieurement, je tentais de déguiser un petit sourire.
« J’en ai déjà parlé avec elle Saitou-san, elle connait très bien mes raisons de rester dans le secteur Ouest, elle veut juste faire son intéressante, laisse là. Et merci pour le rapport, j’intégrerai vos résultats dans nos calculs. Continuez à fouiller encore un peu, je vous attends à … six heures ici. »« Bien Professeur. »« Et bon courage avec Thompson Saitou-san. »« Merci Professeur. »Je sentis son amusement au ton de sa voix alors que je coupai la communication. Sans être assez proche, j’aimais bien Saitou. Il était simple, discret et efficace mais quelques regards, discrètement échangés, suffisaient à se faire comprendre, surtout lorsqu’il s’agissait de Thompson. Je retournai mon attention vers ma console lorsque mon oreillette s’activa à nouveau.
Décidément. Je l’activai à nouveau.
« Ici Stone. »Et restai bouche-bée en entendant la voix de Malgorn s’adresser à moi. Elle m’expliqua rapidement le contexte et sans trop savoir comment, je me retrouvai engagée dans une session d’entrainement au tir le lendemain. Elle coupa la communication aussi soudainement qu’elle avait commencé et je restai debout, la bouche toujours béante, les yeux légèrement dans le vague.
Une équipe d’exploration … Oh my GOD ! I’m finally going out ! Je levai le poing triomphalement tout en essayant de ne pas hurler de joie trop bruyamment.
« Hum hum. »Je me figeai, toujours en position de victoire.
Shit, I know that voice. Lentement, je baissai mon poing et affichai une expression neutre avant de me tourner vers le racleur de gorge. Le Doctor McKay était dans l’encadrement de la porte, les bras croisés et le visage légèrement consterné.
« Vous vous amusez bien Stone ? »« Um, No Sir, je … je viens juste de recevoir de bonne nouvelles et … »Ma voix se tut d’elle-même et McKay leva un sourcil interrogateur alors que je maudissais ma malchance intérieurement.
Pourquoi lui, de tous ceux qui auraient pu me voir ainsi pourquoi celui qui ignore la définition du verbe « s’amuser » ?« Je pensais être seule, j’ai cru pouvoir célébrer … en quelque sorte. Sorry Sir.»Je finis piteusement en baissant les yeux vers ma console. Le silence sembla s’étirer indéfiniment puis j’entendis soudain des pas se diriger vers moi.
Allez, one, two three. Le visage redevenu impassible, je levai la tête. McKay s’arrêta à mes côtés et me tendit un dossier.
« On a tous le droit de décompresser de temps en temps Stone, mais j’ai un travail pour vous. Dans ce dossier, sont compilées mes rencontres les plus récentes sur les peuples découverts lors des expéditions. J’ai besoin que vous épluchiez ce dossier et que vous essayiez de les comprendre en tant que civilisation. Plus nous aurons d’informations sur comment ils agissent et pourquoi, plus nous saurons nous adapter rapidement en cas de menace ou de geste amicale. » Il me regarda avec un léger sourire.
« Considérez que vous êtes une espionne longue distance et faites-moi un rapport dès que vous pourrez. »Je dû me retenir pour ne pas saluer en militaire. J’étais touchée qu’il vienne me confie cette mission et, quoique légèrement troublée, l’anticipation de ce challenge m’avait déjà capturée.
« Bien Sir. »Je pris le dossier et commençai à le feuilleter en essayant de ne pas paraître trop avide. Je saluai McKay de la tête alors qu’il se dirigeait vers la sortie. Il se retourna au dernier instant, curieux.
« A propos, quelle est cette nouvelle ? »Je levai la tête, déconcertée par la question et le dossier déconcentrée par le dossier. Je dû réfléchir quelques secondes avant de retrouver mon sentiment glorieux de victoire et de répondre.
« J’ai été choisie pour une équipe d’exploration Doctor, je vais sans doute bientôt passer la gate. »A ma grande surprise, il hocha la tête avec un air approbateur.
« J’ai hâte de travailler avec vous sur le terrain Stone. »Et sur ces bonnes paroles il quitta mon laboratoire. Je regardais la porte, confuse. Un germe d’idée commença à fleurir mais je le mis de côté. J’avais à faire.
*
Je soupirai d’aise en me laissant tomber sur mon matelas. Certes, il n’était pas le plus confortable du monde mais, actuellement, il me semblait aussi doux qu’un nuage. Malgorn était une véritable tortionnaire et je commençai à regretter de lui avoir offert un verre.
Stupid Frenchie. Je roulais sur le côté, m’étirant douloureusement. Ca faisait presque deux semaines qu’elle m’avait admise dans son équipe et je le regrettai déjà. Ce n’était pas tant les exercices de tir, dans lesquelles je me débrouillais raisonnablement bien grâce à l’entrainement suivie sur terre pour le Moyen Orient, ni le fait que j’avais découvert que Thompson avait été choisie elle aussi pour l’équipe mais plutôt les exercices de combat rapproché auxquels elle me soumettait régulièrement. Elle me battait avec une facilité presque insultante et, bien que ce ne fût pas étonnant en sa qualité de Capitaine accomplie, ça n’aidait pas ma fierté blessée. Je frappai mon oreiller, irritée à la fois par Malgorn et mon attitude.
Grow up Ilae. Elle essaye de t’aider pour pas que tu meures à la première occasion. Sauf que voilà, malgré tous les entraînements possibles, je me connaissais. Ici, toucher le cible n’était pas si difficile, en situation réelle, pour l’avoir déjà vécu, je ne savais même plus par quel bout tenir mon arme.
Alors du combat rapproché … Je voyais bien que Malgorn n’était pas dupe. Mais je ne pouvais pas abandonner.
Je refuse de quitter cette équipe. Je ne serais pas un boulet. Je réussirai. Et peut-être même qu’un jour je saurai voler. Mon sens de l’humour grinçant ayant réussi à m’achever j’attrapai mon ordinateur d’une main et m’installai devant un film, en qui je plaçais beaucoup d’espoir pour détourner mon attention. Sans surprise, il n’y parvint pas et je me retrouvai à l’éteindre, encore plus énervée. Je passai le reste de la nuit tiraillée entre somnolence, cauchemars et lucidité. Éventuellement, j’abandonnai la quête du sommeil et m’installai à mon bureau pour feuilleter le dossier que McKay m’avait donné deux semaines auparavant. Il était depuis parti en mission et je n’avais pas encore pu lui faire parvenir mes résultats préliminaires mais j’étais plutôt satisfaite de moi-même. Et émerveillée. Toutes ces civilisations étranges, dont je ne comprenais pas tout mais qui vendaient du rêve, de la plus humble, à la plus avancée. Et puis partout l’homme reste l’homme. Même si je ne comprenais pas tout, avec les nombres d’informations qui m’avaient été données, j’en comprenais beaucoup.
Quelque temps plus tard je fus tirée d’un sommeil profond par un sentiment d’urgence. La marque du bureau et de feuilles imprimées sur mes joues, je me levai brutalement, renversant ma chaise au passage. J’attrapais au vol mon blouson bleu, ma tablette tactile professionnelle, tressai mes cheveux et partit tel un ouragan vers la réserve d’équipement. Je ne pouvais plus rester dans ma chambre. Je n’avais pas eu mon compte de sommeil, j’étais sur les nerfs mais, à en croire Malgorn, il y avait une grande chance qu’on sorte aujourd’hui. Au mieux, je serais prête à partir, au pire, je me serais au moins occupé l’esprit.
Sans grande surprise, je trouvai la réserve vide. Je croisai les doigts en priant pour être au bon endroit en entrepris de m’équiper protocolairement pour la mission. Treillis, bleu, gilet tactique, sac à dos avec nécessaire de survie. J’empochai aussi un scanner, privilège des porteurs de l’ATA. J’attrapais aussi, avec une légère appréhension, mon holster et Jéricho. Son poids m’était devenu familier grâce aux sessions de Malgorn mais savoir que ma vie et celle des autres pouvaient dépendre de ce bout de métal dans ma main me faisait frissonner.
Tout à coup mon oreillette s’activa. Je l’activai précipitamment et la voix alerte de Malgorn pénétra mon casque de sommeil léthargique et de nerfs à vif difficilement.
Hein ? Rendez-vous … Stargate … Crap. This is it. J’inspirai profondément et me laissai tomber sur le banc le plus proche.
Reste calme, reste calme, tout va bien se passer. On va aller visiter des ruines, tu vas faire ton boulot et tout va bien se passer. Fin de l’histoire. A moitié rassurée seulement, je commençai à jouer avec les lacets de mes bottes.
Au pire, tu peux toujours dire que tu ne te sens pas bien, c’est presque pas un mensonge ! Tu pourrais passer juste cette fois et – « Détends-toi Stone. Ca va bien se passer. »La voix calme de ma Capitaine de mission me sorti de ma torpeur avec un sursaut. Je levai les yeux avec une tentative de sourire sur les lèvres mais la nervosité m’empêchait de faire mieux qu’une grimace.
« Oui, je sais. Désolée je … je suis juste un peu stressée, ça va passer. C’est la première fois que je quitte Atlantis … »« Bonjour tout le monde ! Vous êtes déjà prêtes ? Super ! Ca va aller Pr. Stone ? C’est votre première fois n’est-ce pas ? »L’arrivée tonitruante de Thompson empêcha Malgorn de répondre à mon grand soulagement. Je ne voulais pas qu’elle me prenne pour une peureuse pathétique. Je me levai et fronçai des sourcils.
« Thompson, pas si tôt le matin. Pitié, tais toi. »Je l’aimais bien Thompson, vraiment, mais, sans en avoir l’intention, elle pouvait se montrer blessante et adorait être au premier plan. Et ce matin, je n’avais juste pas la patience. Je remarquais qu’une quatrième femme avait pénétré la réserve. Black, blouson noir et sourire aux lèvres.
Et voici Atkins Erin, la quatrième membre de ce groupe. Je remarquais soudain que nous n’étions que des femmes et me demandai distraitement si cela avait été intentionnel de la part de Malgorn. Enfin, après la catastrophe de la dernière fois, je ne vais pas m’en plaindre. Mon souvenir de Clint était encore vif. Je tendis la main à Atkins avec un petit sourire mi- forcé, mi- fatigué.
« Hi. Je suis le Professeur Stone, l’archéologue sénior d’Atlantis. Ravie de vous rencontrer. »« Atkins. De même. C’est votre première sortie ? »C’était donc si visible que ça ? J’avalais nerveusement ma salive et acquiesçai maladroitement en essayant de mettre fin à la conversation devenue inconfortable. Peine perdue.
« Ne vous en faites pas, tout va bien se passer. Simple mission d’observation si j’ai bien compris. Vous avez toutes vos affaires ? »A nouveau j’hochais, essayant de trouver une échappatoire. Du coin de l’œil je vis Malgorn me regarder, indéchiffrable.
Help me ! Malheureusement, mes talents de télépathes ne s’étant toujours pas développés, elle ne reçut pas mon SOS et détourna son regard vers Thompson. Atkins récupéra mon attention en endossant son sac à dos.
« Tant mieux, venez avec moi, la Capitaine doit nous briefer avant le départ. »Je me retournai et vis effectivement la capitaine en train d’attendre, le pied battant le temps de son impatience, Thompson déjà en rang à ses côtés. Je déglutis nerveusement une énième fois et suivit Atkins jusqu’au rassemblant.
Here goes nothing. Over and Out